Si les femmes sont officiellement absentes des jeux du pouvoir de la cour de Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, elles ont pourtant été nombreuses à animer le Versailles de l’Ancien Régime car elles y ont tenu un rôle culturel et artistique majeur. L’historiographie les a trop longtemps occultées alors qu’elles ont pris une place incontestable dans la construction de l’identité versaillaise. Ces quelques portraits choisis parmi de nombreuses autres personnalités en témoignent.

 

Madame de Maintenon, la « Presque reine »

Madame de Maintenon

Madame de Maintenon – Pierre Mignard

 

Première figure majeure, Françoise d’Aubigné, la future Madame de Maintenon, a débuté son parcours versaillais comme gouvernante des enfants naturels du roi, avant d’attirer l’attention du roi par son goût pour les choses de l’esprit… Leurs échanges lui deviennent indispensables. Le roi prend régulièrement son conseil et on passe désormais par elle pour s’adresser au roi !

Il l’épouse en secret… Françoise d’Aubigné, marquise de Maintenon, impose alors à la cour un registre nouveau de divertissements, marqué par l’univers précieux des fameuses Soirées d’appartements. Elle fut aussi la fondatrice de la 1ere école pour jeunes filles pauvres qui deviendra la célèbre École militaire de Saint Cyr.

 

 


La Palatine, Madame n’a peur de rien

Elisabeth Charlotte du Palatinat

Elisabeth Charlotte du Palatinat – Hyacinthe Rigaud

 

L’autre grande personnalité flamboyante de la cour de Louis le grand est sa belle-sœur, la Princesse Palatine, tout droit sortie de sa Bavière natale et mariée à Monsieur, le frère du Roi,  qui lui préférait les hommes. Cette forte personnalité aux manières franches, libres et à l’esprit de contestation affirmé, se conduisit en véritable garçon manqué, indifférente aux critiques de la famille royale qu’elle qualifie « d’esclaves couronnés ».

Elle se décrit elle-même avec humour : « Ma graisse est mal placée, je suis une figure affreuse mais j’ai le bonheur de ne pas m’en soucier car je ne souhaite pas que quelqu’un tombe amoureux de moi. » D’une grande curiosité intellectuelle, passionnée de science, elle a même entretenu une longue correspondance avec Leibnitz.

Elle fut sans doute le témoin le plus observateur et le plus critique des mœurs de la cour. Sa force de caractère plut au roi dont elle fut la grande complice, avant l’ascension de Mme de Maintenon qui devint sa pire ennemie !

 


Marie-Adélaïde de Savoie, le coup de foudre du Roi

Marie-Adélaïde de Savoie par Gobert

Marie-Adélaïde de Savoie – Pierre Gobert

 

Parmi les femmes qui ont ranimé la cour de Versailles, on ne peut pas oublier Marie-Adélaïde de Savoie, fille de Monsieur, le frère du Roi. La toute jeune Dauphine apporte à la cour de Versailles une véritable bouffée de fraîcheur. Vive, intelligente et pleine d’esprit, cette jeune princesse a su conquérir le cœur de tous par son élégance et ses talents de musicienne et de comédienne. Avec elle, le théâtre, l’opéra, les carnavals, les bals redonnent à Versailles assoupi son faste de début de règne.

Fine politique, elle a même l’audace de déclarer au roi, son grand-père : « En Angleterre, les reines gouvernent mieux que les rois. Et savez-vous bien pourquoi ? Sous les rois, ce sont les reines qui gouvernent et ce sont les hommes sous les reines ». Sous le charme de cette princesse, le roi en rit et avoua qu’elle avait raison.

 


Madame de Pompadour, le parfum du scandale

Madame de Pompadour

Madame de Pompadour – François Boucher

 

Avec le règne libertin de Louis XV, Jeanne Antoinette Poisson eut une ascension fulgurante. Issue de la bourgeoisie financière, elle symbolise l’avènement d’une classe nouvelle qui heurte l’esprit de castes des courtisans. C’est pourquoi, en recevant le titre de Marquise de Pompadour afin d’être présentée à la cour, elle est devenue la femme la plus détestée de Versailles et la favorite officielle de Louis XV.

D’une exceptionnelle beauté, la marquise a aussi reçu une excellente éducation et fréquenté les salons littéraires parisiens. Ce qui lui a permis de séduire un roi sujet à de fréquentes mélancolies. Soucieuse de divertir et de « gouverner » son royal amant, la belle maîtresse relance les programmes de divertissements, crée un nouveau théâtre et y accueille le Tartuffe de Molière où elle interprète Dorine.

Son ascendant sur le roi dépasse l’organisation de festivités, elle s’impose comme conseillère du prince, s’implique dans ses choix politiques en soutenant le projet de réforme fiscale, de création d’une école militaire. Elle le pousse au renversement des alliances en faveur de l’Autriche. En femme éclairée par les idées des Lumières elle protège les Encyclopédistes, Voltaire et Rousseau, qui remettent en cause l’absolutisme royal. Enfin, Versailles lui doit surtout l’éclosion d’un art de vivre généreux, raffiné et léger qui se traduit dans un style référence du XVIIIe siècle.


Mesdames de France, des filles de grande vertu

Madame Adélaïde de France

Adélaïde de France – Jean-Marc Nattier

 

C’est une véritable et puissante offensive contre la marquise de Pompadour qui fut organisée par la famille royale, en réaction à la relégation de la reine bafouée et au régime des favorites royales. Principalement menée par l’impérieuse Madame Adélaïde, qui sut rallier toute la fratrie de enfants royaux, elle était secondée par le Dauphin, Louis-Ferdinand, et ses nombreuses sœurs, Henriette, Victoire, Sophie et Elisabeth. Cette « Louis XIV au féminin », célibataire endurcie, anima le Parti de la famille associé au Parti des dévots pour dénoncer l’immoralité du clan libertin de la cour, tenter d’organiser en vain le remariage de son père ou encore encourager les violentes attaques pamphlétaires, les fameuses « poissonnades ».

Elle savait profiter des faiblesses de son père au détriment de la favorite, ce qui lui permit de concevoir, tout au long de ses vingt années passées à Versailles, une habile géostratégie palatiale, une politique de conquête des espaces royaux du palais qui aboutit finalement à ce que les appartements des filles du roi occupent l’ensemble du rez-de chaussée du corps central. C’est ainsi qu’elles s’imposèrent au plus près de leur père dans l’univers versaillais. Le génie manipulateur de Madame Adélaïde s’exerça encore plus tard contre la dernière favorite, Madame du Barry, instrumentalisant la toute jeune Marie-Antoinette, proche de ses tantes.


Quel que soient les séquences de l’histoire de Versailles sous l’Ancien Régime, malgré l’interdit politique qui leur était imposé, pour le meilleur et pour le pire, les femmes ont su imposer leur règne, pour certaines par le biais des arts, pour d’autres par la construction officieuse de réseaux d’influence sur la politique royale. À bien des égards, Versailles devint avec le temps un univers de plus en plus féminin.

Visites privées de Versailles par la Compagnie des Guides

Références bibliographiques : Femmes de Versailles, Alexandre Maral (Ed. PERRIN)