L’intendant du Mobilier Royal emménage dès 1770 dans l’hôtel de la Marine, un des deux nouveaux palais construits par Ange-Jacques Gabriel pour délimiter côté nord la nouvelle place crée en l’honneur de Louis XV. L’intendant a la charge de l’achat et de la conservation du mobilier des résidences royales. Non seulement il sélectionne les meilleurs artisans créateurs-ébénistes, orfèvres qui créent et réalisent les décors qui ornent les palais. Mais, en fin connaisseur, il choisit pour ses propres appartements privés les œuvres maîtresses des artisans du XVIIIe siècle, une des périodes les plus glorieuses des arts décoratifs français.
Les espaces de vie sont intimes et confortables, le mobilier léger, pratique et élégant, les harmonies textiles douces et subtiles… Tout évoque le raffinement et les plaisirs des sens : parquet de chêne et acajou, délicatesse des tons de peintures aux murs (le fameux « blanc de roi »). Voici dans le cabinet des audiences, le bureau de Victor Schœlcher (l’homme qui fit voter l’abolition de l’esclavage en 1848)…
Le lieu a été restitué pour créer l’illusion d’un espace encore habité. Monsieur l’intendant vient juste de quitter sa chambre pour rejoindre le cabinet de toilette : le tapis de bain vient de la manufacture d’Aubusson, la robinetterie est travaillée comme de véritables pièces d’orfèvrerie.
Dans la salle à manger, l’intendant a reçu quelques amis à déjeuner et la mise en scène de cette fin de repas évoque un célèbre tableau… Les convives semblent avoir apprécié la dégustation d’huitres, fort prisées au siècle des Lumières. Dans le somptueux salon des jeux, la mise en scène inspire une ambiance de fin de partie de Cavagnole pour les uns, de Trictrac pour les autres convives.
Quant à la chambre de Madame l’Intendante, l’atmosphère est toute de délicatesse, le lit à la polonaise est un chef d’œuvre et dans la voussure, un remarquable coq pour inviter au réveil ! Plus loin, bien caché au bout d’un étroit corridor, un très petit cabinet lambrissé de miroirs peints de motifs galants… Célibataire et libertin, Monsieur le 1er intendant y recevait discrètement ses conquêtes .
Finissons par les salons d’apparat où tant de bals somptueux se sont déroulés durant le XIXe siècle. Sortons sur la célèbre loggia d’où l’on pouvait assister au spectacle quotidien des exécutions pendant les années révolutionnaires. Cette prouesse architecturale a un petit air de famille avec la colonnade du Louvre… Le décor est à couper le souffle : un concentré d’Histoire de France.